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Une autre vision du web

Guillaume le Mar 8, 2020
Vision du web

Cette courbe de Gauss est un peu magique : elle décrit la diffusion d’une innovation sur Internet. Imaginez : vous êtes le créateur d’un nouveau site web qui va probablement déchaîner les foules. Avant que des hordes de groupies sauvages vous sautent dessus dans la rue, votre produit suivra ces 3 étapes :

  • D’abord les geeks s’intĂ©resseront Ă  lui parce qu’ils aiment l’innovation, ils aiment dĂ©couvrir, et aussi parce qu’il est techniquement ok.
  • Ensuite, les early-adopters(« les hipsters ») suivront le pas. Ils sont visionnaires, aiment ĂŞtre en avance sur le grand public, puis votre site leur plait, il est joli.
  • Après ça, vous passez « The Chasm ». C’est Ă  dire que votre produit commence Ă  ĂŞtre diffusĂ© au grand public ! LĂ , c’est le moment de sortir dans la rue pour pĂ©cho.

Tout ça pour dire que les geeks jouent un rôle important dans la vie d’Internet. Ce ne sont pas seulement « ceux qui programment nos jeux » ou « ceux qui créent nos sites préférés » mais ce sont aussi les premiers à diffuser des idées qui nous plaisent, ou pas. Depuis plusieurs mois, ces geeks diffusent une idée forte que pas grand monde n’écoute.

« IL FAUT PROTÉGER NOTRE VIE PRIVÉE SUR INTERNET ! »

On ne compte plus les articles qui parlent de vie privée… pfuuuu, ce mot donne la nausée vous ne trouvez pas ? On nous en parle toute la journée, à toute les sauces. Tous les jours, on nous dit que Facebook c’est mal, que Google nous traque, que HADOPI ne respecte rien brrrr… Et alors ?

Les geeks sont les seuls à soulever ce problème. Si on suit la courbe d’innovation, les early-adopters devraient adopter l’idée pour aider sa diffusion au près du grand public. Mais… non. Les early-adopters s’en branlent, ils doivent être trop occupés à faire mumuse avec SIRI.

J’ai toujours côtoyé des idées geek assez extrêmes via des blogs ou l’IRC. Extrêmes dans le sens « Facebook c’est mal » , « Google c’est le diable » Sans prendre ces remarques en considération, elles trottaient dans ma tête et même si je ne boycotte ni Google, ni Facebook, je réfléchissais toujours à ces avis très tranchés.

Un jour, j’ai lu cet article d’un mec qui a perdu l’intégralité de son compte Google parce que Google l’a voulu. Raison évoquée ? Aucune. Support ? Aucun. Contact ? Black-out. Ce mec a perdu :

  • Des giga-octets de mails

  • Des dizaines de Google Docs

  • Son calendrier

  • Ses outils Google Apps

  • Sa liste de contacts

  • Sa liste de RSS

  • Son profil Google Plus

  • Sa synchro Android

Son histoire a fait le buzz et d’autres cas ont été signalés.

« ILS AVAIENT RAISON ! »

Béh ouais, j’ai commencé à repenser à ce que disaient les geeks. Sans pour autant boycotter Google, c’est ABSOLUMENT DINGUE la confiance qu’on lui accorde. Est-ce qu’on accorde AUTANT de confiance à une société IN THE REAL LIFE ? Est-ce que vous confiriez vos albums photos de famille (Picasa), votre téléphone portable (Android, Google Contacts), la clef de votre boite aux lettres (Gmail), votre agenda pro et des enregistrements de toutes vos discussions entre amis (Google Agenda et Google Plus) à une société qui siège à 10.000km ou 5 mètres de chez vous ? MAIS NON, SUREMENT PAS. Internet nous rend bizarre, je trouve.

Bon, du coup, j’ai commencé à externaliser un peu mes services Google. Je supprime mon compte Google Plus qui ne me sert à rien, j’envoie une copie de tous mes Gmails sur mon compte mail Opera automatiquement (je fais confiance à Opera), je backup mes Google Docs et je désactive ma synchro Android pour être local.

Et pour de vrai, je me sens plus léger. Google peut clore mon compte, je m’en fiche. Je peux même le clore moi-même demain si je veux. Et vous, quel impact aurait la fermeture de votre compte Google ? Puis un jour, j’installe Ghostery. C’est une extension dispo pour tous les navigateurs (donc le tien aussi, va vite la télécharger) qui affiche pour CHAQUE page que vous visitez, le nom de CHAQUE site qui accèdent à vos données perso. Pour être plus précis : Dès que vous visitez un site qui affiche le +1 de Google Plus, Google sait que vous êtes passés par là.

  • Pareil pour le « RT » de Twitter
  • Pareil pour le « Like » de Facebook
  • Pareil pour les « share » de ShareThis
  • Pareil pour les commentaires de Disqus
  • Pareil pour Google Analytics
  • Pareil pour Xiti
  • Pareil pour des milliers d’autres services que vous ne connaissez ni d’Eve, ni d’Adams.

OK, vous allez me dire : « Je me fais pister à longueur de journée par des sociétés que je ne connais pas : est-ce que tu crois VRAIMENT, Stéphane, qu’un employé regarde mes infos perso, se moque de moi et les utilise à mauvais escient contre moi ? » Non, bien sûr que non. Mais voila tout, on arrive sur le point de chute. On est pile-poil arrivé au fossé « Geeks VERSUS Early Adopters ». Et c’est là que les early-adopters se font avoir.

Avant le web, les Early-adopters étaient libres d’acheter un produit ou non. De lancer la mode des iPods, ou pas. De lancer la mode des smartphone, ou pas.

Maintenant, ils sont piégés : ils ont lancé la mode des réseaux sociaux, ils les utilisent et ne peuvent plus en sortir parce que c’est social et que leur vie tourne autour de ça. Du coup, quand un geek leur dit que Facebook vend des infos à des sociétés privées qui les refilent ensuite à des dictatures, ils s’en fichent les hipsters, au chaud devant leurs ordis.

C’est comme quand ta mère te dit que des petits enfants noirs meurent de faim en Afrique et que toi tu veux pas manger ta soupe. C’est trop loin, trop abstrait, tu t’en fiches.

Va en Afrique pendant 2 mois et reviens en France, tu la boufferas ta soupe.

Si tu pouvais te rendre compte à quel point Facebook abuse avec tes données, tu changerais d’avis aussi.

Dire « moi, je m’en suis rendu compte » n’a rien de prétentieux. Beaucoup de gens s’en rendent compte ! Tu peux t’en rendre compte aussi et c’est pas la peine d’aller dans les locaux de Facebook pour ça. Intéresse-toi à l’actualité, et pose-toi des questions.

Qu’est-ce qui te fait penser, là, dans ton fauteuil, en 2011, que dans 10 ou 20 ans, tes idées, ton orientation sexuelle, religieuse ou politique ne seront pas punies dans ton pays ? C’est ça qui est dingue. Les early-adopters ne voient pas plus loin que le bout de leur PUTAIN de nez.

Quand tu navigues sur certains sites, il y a 25 sociétés qui savent que tu es passé par là, qui te suivent, qui savent ce que tu y fais, combien de temps tu y restes et d’où tu viens, quel est ton pays de connexion, la résolution de ton écran. C’est juste un exemple, si tu installes Ghostery, tu verras que c’est pareil pour la moitié des sites qu’on visite quotidiennement.

En fait c’est comme si tu rentrais dans un magasin et qu’à tour de rôle, 25 mecs en costard venaient te poser 10 questions sur toi : « pourquoi tu viens dans ce magasin, qui es-tu, que fais-tu »… Après ça, les 25 mecs restent autour de toi et te suivent pendant que tu fais ton shopping. Mais cet exemple est peut-être trop “comme celui des enfants noirs qui meurent en Afrique” , pas assez percutant pour ces teubé de hipsters.

Ghostery te permet de bloquer tous les scripts qui envoient des infos sur toi à foison à des inconnus. OK, peut-être que ces sociétés ne cherchent pas à te pister TOI personnellement MAIS ALORS ? C’est ça qui est dingue : parce que 700 millions de pigeons se font sucer toutes leurs infos par Facebook, tu acceptes de te faire sucer à ton tour.

Moi, je ne prône pas le boycott. Je pense qu’il y a une demi-mesure dans tout ça et que c’est justement ce manque de demi-mesure qui fait que les hipsters n’écoutent pas les geeks sur ce terrain là.

  • Pour Ă©viter d’être tracĂ© par des milliers de sociĂ©tĂ©s inconnues qui utilisent, vendent ou distribuent mes informations personnelles Ă  mon insu, j’utilise Ghostery.
  • Pour ne pas me prostituer encore un peu plus Ă  Google, je n’utilise pas un rĂ©seau social pour gonfler mon Klout ou pour me branler entre nerds sur un nombre de « +1″.
  • Pour ne pas faire plaisir Ă  Facebook, je n’installe pas de boutons « like » sur mes pages. Pour Ă©viter que ma vie internet soit lue et pistĂ©e, je passe mon compte Twitter en privĂ©.
  • J’utilise dorĂ©navant Piwik pour avoir des statistiques sur mon site (merci Ă  JC, Duncane, Chua et les autres)

Je ne fuis pas les Trusts du web à tout prix, je pense juste que j’ai déjà assez offert de ma personne. Comme on dit « si tu ne paies pas pour un produit, c’est que le produit c’est toi ». Signé : Google. Facebook. Twitter. Analytics. Et autres.

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